Au moment où nous assistons à des transferts de comportement dans de multiples domaines, linguistique, musical, culinaire, sportif, des expressions comme « appel d’air », « La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde » apparaissent comme des slogans sans grand fondement. Nous sommes là au coeur de la question de la dignité de l’homme dans sa modernité et sa dimension planétaire.
En effet, qu’est-ce qui fait que ce concept de dignité n’a plus la même coloration qu’il y a par exemple un siècle ou simplement quelques décennies ? Les progrès fulgurants des techniques de la communication, au sens large du terme, les avancées de la médecine, les flux migratoires donnent un visage nouveau à cette problématique de la dignité de l’homme.
Alors que les mouvements de population dépendaient du seul bon vouloir de celles-ci, une muraille à la fois physique et symbolique sépare désormais 2 sortes d’individus, ceux qui vivent à l’intérieur des sociétés développées et ceux qui viennent frapper à la porte de ces sociétés et qui, en attendant qu’on leur ouvre cette porte, se dépouillent de tout espèce de dignité. Les interminables queues, aux alentours des consulats, de milliers d’Algériens venus quémander un hypothétique visa, sont l’illustration vivante du piétinement de cette dignité ou de ce qu’il en reste. Bien sûr, les solutions sont avant tout politiques et ce n’est pas le lieu d’en débattre ici. Cependant, une ouverture large des frontières ne relève ni de l’utopie ni de l’irréalisme. Je démontre :
Entre la fin de la 2ème guerre mondiale et aujourd’hui, la population française s’est accrue en tout et pour tout de 50 %, malgré une immigration que l’on qualifie un peu hâtivement de pléthorique et qui, fort heureusement, contribue à freiner, pardonnez-moi l’expression, cette misère démographique. Dans un intervalle de temps moindre (à peine 40 ans), un pays comme l’Algérie a vu sa population tripler. La France qui connaît, on le constate, une démographie moribonde, devrait se saisir, comme B. STASI, de cette chance, qui est à mon sens plus qu’une chance, une nécessité.
Or à quoi assistons-nous, dans ce beau pays de France ? Des fermetures de cliniques, de maternités (et pour cause), d’hôpitaux, alors que dans la plupart des pays en développement, le secteur sanitaire est cruellement en panne.
Au lieu de la solution humaine, fraternelle, digne d’un pays comme la France, aux potentialités gigantesques, qui consisterait à faire vase communicant entre l’insolente
abondance ici et la criante pénurie là, que fait-on ? On dynamite, sans grande nécessité, des tours d’habitation, on détruit des tonnes et des tonnes d’aliments, à l’abri de frontières de plus en plus hermétiques.
Ces courants migratoires perçus comme un véritable péril, sont en réalité prédéterminés par le passé colonial des pays de départ et dans une certaine mesure par leur niveau de développement. On ne verra jamais débarquer en France, des Sud-Africains ou des Mozambicains ou même des Gabonais, en tout cas jamais de façon massive. Reste le
Maghreb et c’est là que nous entrevoyons un des aspects de cette fécondation dont il a été question plus haut et les multiples facettes de ses prémices. Il n’est que d’observer
l’ethnographie hexagonale pour se rendre compte des capacités d’absorption d’un pays au potentiel économique aussi gigantesque que la France et, au fond, de sa générosité naturelle.
Le trilogue islamo-judéo-chrétien, pierre angulaire de cette fécondation réciproque, trouvera son prolongement dans le développement économique des pays du Sud, et constitue d’ores et déjà, par sa densité et sa richesse, une avancée vers cette accession à la dignité de l’homme. Cette dignité est notre point de convergence, celui où se fondent les idéologies et les clivages, à la manière d’une infinité de rayons qui ne forment plus qu’une tâche de plus en plus compacte à mesure qu’on se rapproche du centre.
La Dignité au féminin
Aragon a dit « la femme est l’avenir de l’homme ». Gardons nous d’oublier qu’elle est aussi notre présent. Nous ne saurions débattre de la dignité à l’échelle de l’humanité, en occultant la moitié de celle-ci. C’est une question vive, épineuse et où les vues, volontairement ou non, unicentriques, ne manquent pas.
Classiquement, l’Islam fait office d’accusé de choix dans le statut de mineur qu’il réserverait à la femme. Si l’on observe ce qui se passe sur le terrain, la tentation est grande, y compris chez certains Musulmans, d’accréditer cette thèse. En effet, le discours, selon lequel la religion islamique accorde à la femme un statut libéral et presque égalitaire est malheureusement battu en brèche par des réalités de terrain qui le contredisent fâcheusement.
Il est grand temps d’harmoniser les comportements et les mentalités.
Cette question est fondamentale, car l’ostracisme dont pâtissent les femmes, est le frère jumeau de celui qui accable les ethnies « atypiques ». Un espoir cependant: dans un cas comme dans l’autre, un vent d’évolution est très nettement perceptible.
Dr. M. HAMLAOUI