L’Islam réprouva l’esclavage dès le début de sa prédication dans l’Arabie où le paganisme des tribus de la Mecque avait favorisé la constitution d’un servage noir majoritairement issu de l’Ethiopie (Habascha) et du Soudan.
Sédentaires ou citadins les captifs et captives généraient parfois des célébrités marquantes comme le poète Antara célèbre par ses prouesses et ses récits dans la littérature Arabe. Dans la société Arabe on distinguait les esclaves (‘Abd) dans la catégorie soit des hommes, des femmes acquis par achat, échange, dette etc.. : « Abd mameluk » soit le serviteur né dans la maison de son Maître (Abd Makuun).
Mais le Coran a tôt fait de rétablir l’égalité des hommes entre eux : « Point de supériorité entre un Arabe et un non Arabe, d’un blanc sur un Noir, si ce n’est pas la foi. » et la Sourate Coranique insiste sur le fait que Dieu a crée l’humanité dans une diversité de peuples et de tabous seulement pour qu’ils se reconnaissent les uns des autres » la supériorité d’un individu n’étant que d’ordre spirituel et seulement devant Dieu.
La Sourate II-177 définit la piété non comme le fait de tourner son visage vers l’Orient ou l’Occident, la piété vraie consiste dit le Coran dans la foi, la prière, l’entr’aide et aussi à libérer de la servitude ceux qui plient sous le jong » .
C’est dans ce respect de l’être humain quelle que soit sa couleur que l’un des tout premiers compagnons du Prophète fût le noir, Bilal, premier esclave libéré par l’Islam, qui dût persécuté pour son attachement à la nouvelle religion qu’il allait illustrer en devenant le premier Muezzin appelant les fidèles à la prière.
L’affranchissement des esclaves, tout autant que la libération de la femme Arabe des antiques pratiques et iniquités apparaît décidément comme l’un des apports les plus frappants de la considération fondamentale de l’Islam concernant l’égalité des races ainsi que celle des hommes et des femmes tous et toutes considérés dans leur dignité de personnes humaines égales créatures de Dieu.
De nombreux noirs s’islamisèrent à l’exemple du prestigieux Bilal et bénéficièrent même dans l’état de servitude de nombreuses dispositions faisant de leur affranchissement pur et simple un acte particulièrement méritoire de même que l’éducation, la libération et le mariage avec une femme noire.
A noter que l’Islam n’a pas réservé la captivité et le servage exclusivement aux noirs. Bien loin delà des captures d’autres tribus ou des pratiques médiévales au cours des guerres amenaient sous forme d’exclavages de nombreux sujets hommes, femmes, enfants de régions blanches d’Orient ou d’Occident et les Califes épousaient volontiers des Grecques ou des Circassiennes affranchies qui joueront un rôle important dans la formation humaniste et philosophique de jeunes princes qui accéderont au pouvoir ex. : Al Ma’mun.
Rappelons que le mot esclave a pour origine le terme : ex-slave en arabe : sakaliba.
Dans le Droit Musulman (Fiqh) le strict statut des êtres humains est de naître LIBRE : « Al asl huwa-el-hurriya » (le statut de base est la Liberté). Il a interdit la capture, l’achat, la vente des enfants et surtout la castration mais ces pratiques fûrent très malheureusement longtemps poursuivies faute d’un Code Pénal précis et de châtiment adapté ou appliqué.
C’est pourquoi il faut reconnaître que l’esclavage a été pratiqué avec diverses fortans et diverses législations protégeant le serviteur selon divers droits, liens et obligations adoucissant ces pratiques d’un autre âge et d’un autre temps.
Compensations pécuniaires, concubinage, liberté de pratique religieuse, paiements de dédommagements ont ainsi que diverses peines et punitions émaillé les rapports du famulus et son maître.
Historiquement on peut noter que ce sont les Vénitiens qui se sont arrogés comme pourvoyeurs d’esclaves parfois chrétiens pour les pays musulmans selon une négociation commerciale le factum (en Arabe al-Bakht) et que via l’Andalousie au IX° siècle Verdun en France s’était fait une spécialité de fabrication des ennuques. Mais dans le monde Arabe c’est la mer rouge qui fût en voie ininterrompue du trafic des esclaves depuis le Soudan et surtout l’Ethiopie.
En Afrique du Nord même des malheureux et des malheureuses souvent des enfants avec ou sans parents traversaient le Sahara à destination des Oasis du Nord ou des grandes villes du littoral Maghrébin notamment au Maroc et en Algérie. L’Egypte enrichit ses populations du Nil d’importants contingents Nubiens et plus à l’Orient, c’est Zanzibar qui avec ses 9 ou 10.000 esclaves/an parut au XIX° siècle battre les records du commerce esclavagiste.
Il est bien évident que c’est la France avec son importance coloniale du XIX° siècle qui grâce à la Loi du 27 Avril 1848 (II° République) dès 1860 appliquer l’abolition de l’esclavage sur l’ensemble de ses territoires d’outre-mer et particulièrement en pays d’Afrique.
Au contact de ces réalités modernes la pensée religieuse de l’Islam du début du XX° siècle, grâce aux efforts des « Réformistes » et des humanistes de l’Islam la position initiale d’égalité es hommes devant Dieu et de respect de toute vie humaine sans esprit de supériorité ou de subordination s’est progressivement enrichie de nouveaux concepts libéraux. Tous mettent l’esclavage au nombre des pratiques anté-islamiques que l’Islam avait tolérées seulement par nécessité provisoire tout en les abolissant virtuellement.
Il appartenait aux Lois humaines de les abolir définitivement ce qui reste partiellement vrai dans certaines parties de la péninsule arabique et ailleurs.
Cette idée n’est pas loin d’être partagée par des intellectuels africains qui remarquent que l’Islam s’est surtout développé en Afrique dans la 2° partie du XX° siècle sur les vestiges des civilisations du royaume de Soughay, de Tombouctou, de Ghana, du Mali ou de Gao.
L’adhésion des femmes Africaines à l’Islam qui les a libérées des antiques pratiques et de leur situation de mon droit antérieur pour acquérir avec l’Islam le statut de croyantes et les droits nouveaux que leur confère le Droit Musulman, n’a pas été le moindre facteur de l’expansion de l’Islam en terre d’Afrique.
L’énorme spoliation humaine liée à l’esclavage vers le nouveau monde est jugé particulièrement grave. la « déportation de 20 millions d’hommes en deux siècles assurant la prospérité de Bordeaux, Nantes ou Liverpool a coûté d’autres dizaines de milliers de morts » comme l’indique M.Assani Fassassi.
Accusant les musulmans d’avoir trahi l’Islam par le fait écrit-il « que les esclavagistes Européens vont réussir à faire des Arabes musulmans et des Africains eux-mêmes leurs fournisseurs devenant pour ces derniers, les artisans de leur propre ruine ; l’auteur reconnaît néanmoins à l’Islam d’avoir fait de Tombouctou un « foyer spirituel et intellectuel mondialement reconnu, au même titre que Cordoue en Espagne. Et il conclut, après rendu hommage au fidèle compagnonnage de Bilal inséparable du Prophète de l’Islam et par conséquent des noirs Souds (Soudanais) ou Habaschi (Ethiopiens) de l’histoire de l’Islam naissant et conquérant, termine par ce constat libérateur de toutes les formes d’esclavage :
« L’Islam est né et s’est développé dans des peuples qui n’avaient ni Nation ni Etat. Il les a aidés à prendre conscience de leur entité. Il a été un serment de leurs luttes contre l’injustice, contre la colonisation, l’esclavage, l’exploitation.. »
Quel bel hymne à l’Espérance et à la Liberté…
Le monde qui doit tant aux peuples d’Afrique doit en toute justice une réparation au moins égale à l’étendue du crime contre l’humanité dont ont été victimes nos frères en Dieu.
Dr. Dalil BOUBAKEUR : Recteur de l’Institut Musulman de la Mosquée de Paris